(Billet 352) – L’Afrique, c’est maintenant, avec l’art et la manière…

A l’heure où la géopolitique mondiale évolue et est appelée à profondément muter, à terme, des suites de la pandémie que le monde traverse, un continent reste, encore et toujours, en marge. C’est l’Afrique. Les mastodontes qui, jusque-là, avaient les yeux rivés sur ce continent, et surtout sur ses richesses, sont occupés à survivre. Aujourd’hui, une voie royale est ouverte devant les pays qui sauront y faire… avec tact et impact.
Résistant au Covid-19, la question est de savoir si le continent africain saura se montrer aussi résilient. En février, le monde tétanisé s’inquiétait d’une funeste hécatombe qui frapperait l’Afrique avec l’arrivée du virus. L’idée était simple : si nous, pays riches, développés, intelligents, nous voyons nos citoyens tomber comme des mouches et nous ouvrons des fosses communes (comme à New York), qu’en sera-t-il de l’Afrique ? Seulement voilà, l’Afrique a résisté, pour moult raisons qu’on décodera plus tard, mais pour l’instant, elle résiste, avec 233.000 personnes infectées au total et 6.254 décès.
Toujours dans son élan africain, le roi Mohammed VI avait très tôt appelé à une riposte commune à la pandémie, alors même que les autres pays observaient ce qui allait se passer sur le continent. Puis, plutôt penauds, ces pays qui ne comptaient plus leurs morts ont dû se résoudre à l’évidence : l’Afrique a résisté. Alors on a adapté l’argumentaire : c’est vrai qu’en Afrique, les gens sont jeunes et donc épargnés… c’est juste qu’en Afrique, il existe une certaine maîtrise des pandémies… il est exact de dire que la faible densité en Afrique a épargné les populations… Mais le résultat est là, l’Afrique s’en est plutôt bien tirée.
Et de fait, le continent a besoin aujourd’hui plus que jamais d’une politique intégrée pour faire face aux différentes menaces sanitaires et écologiques à venir. Le Covid-19 peut être considéré comme un exercice à taille réelle, sur la base duquel les dirigeants africains devraient mettre au point des politiques communes, coiffées par l’UA ou un organisme supranational.
Le Maroc a lancé l’idée, puis il a envoyé des aides à une quinzaine de pays du continent. L’initiative est louable, et l’annonce en a été faite le jour même de l’opération subie par le chef de l’Etat marocain. Il est dommage qu’il y ait eu ensuite un tel tapage médiatique, pays par pays, pour une opération qui aurait gagné à être plus soft, et alors même que rien, ou presque, n’a été dit sur les expéditions de masques en Europe… Oui certes, cela énervera un peu nos « amis » du nord, mais cela risque aussi d’en indisposer d’autres, au sud.
« Il s’agit d’une initiative pragmatique et orientée vers l’action, permettant un partage d’expériences et de bonnes pratiques, pour faire face à l’impact sanitaire, économique et social de la pandémie », disait le Roi. Pour les bonnes pratiques, c’est donc fait, quoiqu'un peu surfait par la machine diplomatico-médiatique.
Il reste le partage d’expériences, où le royaume dispose d’un avantage certain, et qu’il pourrait mutualiser avec d’autres Etats d’Afrique. Nous recevons des milliers d’étudiants du continent sur notre sol, dans nos universités, dans nos grandes écoles et instituts. Le Maroc devrait mettre au point, réellement, concrètement, une politique africaine qui ne se fonde pas seulement sur des effets d’images, mais sur une action d'opportunité, de solidarité et d'efficacité. Le moment historique est idéal pour le Maroc africain, avec les incertitudes du nord, les maladresses des anciennes puissances coloniales et la résurgence douloureuse de leurs passés esclavagistes…
Le 30 janvier 2017, lors de son discours de retour à l’Union africaine, le roi Mohammed VI disait « il est beau le jour où l’on rentre chez soi, après une trop longue absence ! (…) Je rentre enfin chez moi, et vous retrouve avec bonheur ». La suite était faite de voyages royaux privés, de randonnées dans les arrière-pays, de contacts directs avec la population... Il serait dommage que cet acquis soit réduit au niveau gouvernemental par une absence de nos ministres sur le continent et un tapage médiatique sur la distribution d’aides.
Le Maroc vaut plus et l’Afrique mérite mieux.
Aziz Boucetta