(Billet 355) – Frais de scolarité, petits calculs des grands établissements

(Billet 355) – Frais de scolarité, petits calculs des grands établissements

La question est simple : Voulons-nous un autre Maroc après la Covid-19, ou non ? Si la réponse est affirmative, alors cela nécessitera des efforts et des sacrifices de tout le monde. Et un devoir d’exemplarité pour ceux qui sont en charge d’une activité professionnelle où l’éthique tient une place d’importance. Il semblerait que les grands groupes scolaires privés ne s’inscrivent pas dans cette logique.

Lorsqu’on aborde cette question des frais de scolarité dans l’enseignement privé, il faut faire la distinction entre grandes entreprises et petites structures. Ces dernières affrontent une situation économique réellement difficile, luttent pour leur survie et multiplient les contacts pour sauver ce qui le doit et ce qui le peut. Bien que n’ayant pas la main sur la relation contractuelle entre ces écoles et les parents d’élèves, le ministère de l’Education nationale a tenté la médiation, au niveau régional et au niveau local. Des ébauches de solutions ont été trouvées car les deux camps, parents et écoles ont compris que l’effort et la solidarité sont, par essence, mutuels.

Il n’en va pas de même pour les grands établissements scolaires privés, essentiellement à Casablanca. Ils protègent farouchement leurs intérêts, ils ont leur politique pour cela, et les moyens de leur politique : l’entente discrète, la fermeté dans leurs positions… et la menace à la liste d’attente. Les parents, pour leur part, regrettent ces menaces en filigrane, car qu'y a-t-il de pire qu’un chantage à la progéniture ? « Vous payez ou vous n’inscrivez pas votre enfant pour la prochaine rentrée ! », semble être l’argument non dit mais douteux de ces établissements.

Que faut-il en retenir ? Que certains grands groupes privés à l’embonpoint remarquable veulent réussir la prouesse d’être parmi les très rares entreprises au Maroc à enjamber les affres de la rude crise financière qui frappe tout le monde sans distinction, maintenant leurs marges en sonnant au besoin la charge ! Et pourtant, les parents d’élèves de ces groupes sont raisonnables et cohérents. Ils reconnaissent qu’une partie des cours au collège et lycée ont été plus ou moins dispensés, et acceptent de payer les frais de scolarité en conséquence ; il n’en va pas de même pour les élèves du primaire et de la maternelle, dont les parents, en plus d’essayer de télétravailler, de tenter de survivre, d’œuvrer à garder une certaine dignité, se sont transformés en pédagogues à domicile, car sans adulte, un enfant ne peut rester concentré devant un écran…

Les groupes concernés ripostent contre pontifes et mandarins qu’ils ont des charges fixes, qu’ils doivent faire face à quatre trimestres de charges contre trois trimestres seulement de paiement de frais… oubliant l’ « astuce » des frais de réinscription qui n’ont d’autre objectif que de faire payer aux parents les frais fixes des trois mois d’été.

Quatre dimensions sont à relever dans cette affaire, dans l’ordre : la logique, l’éthique, l’économique et le juridique. Sur le plan de la logique, on ne paie que les prestations effectuées, ce qui n’est pas le cas puisque contractuellement, les cours doivent être présentiels, et ils ne furent pas. Au niveau de l’éthique, les établissements doivent admettre qu’ils ne peuvent maintenir leurs marges alors que le pays tout entier et nombre de leurs clients sont au bord de la ruine.

D’un point de vue économique, les groupes privés ont engrangé de très confortables marges bénéficiaires, des années durant, plus ou moins légitimement, souvent légalement ; consentir donc à perdre un peu ou à entamer le confortable matelas de profits réalisés ces dernières années ne devrait pas prêter à conséquence. Enfin, si tout cela n’est pas convaincant aux yeux des financiers qui font office de pédagogues, il restera le juridique et le judiciaire.

Il serait regrettable que la relation contractuelle et surtout morale liant groupes d’enseignement privés et parents en arrive à la justice. Mais si tel est le cas, alors les juges devraient s’intéresser à l’historique de ces entreprises qui crachent tant de cash et dont certains patrons crachent aujourd’hui à la figure de leurs « clients ». Ce ne serait sans doute pas dans l’intérêt de ces groupes, dont les noms sortiront dans les médias, dont les associés devront moralement se justifier, dont le devoir d’exemplarité aura été balayé par l’âpreté au gain !

Aziz Boucetta

 



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