(Billet 483) - 1,7 million de jeunes Marocain(e)s ne font rien... la bombe à retardement ?

On les appelle les NEET et leur situation nous interpelle. Eux, ce sont les jeunes sans éducation, ni emploi ni formation. Des jeunes désœuvrés et non instruits, dépourvus donc de toute immunité contre les extrêmes puisqu’ils ne disposent pas des armes pour combattre les aléas de la vie et les idéaux douteux. Au Maroc, une récente étude les a quantifiés à 1,7 million de personnes.
En anglais « Not in Education, Employment or Training », l’acronyme au Maroc concerne 28,5% des près de 6 millions de jeunes âgés de 15 à 24 ans, soit… beaucoup trop ! Et sur ce « beaucoup trop » de 1,7 million de personnes, 75% sont des femmes, 1,3 million de personnes... Les baisses relatives des chiffres d’une année à l’autre reviennent bien plus à l’allongement artificiel de la scolarité qu’à une quelconque solution développée par les pouvoirs publics.
Et la situation n’est pas l’apanage du Maroc, tous les autres pays connaissant leurs NEETs. La moyenne de l’OCDE est de 6% de NEETs chômeurs parmi les 18-24 ans, et 6,7% inactifs. La différence est cependant que dans ces pays-là de l’OCDE, les filets de sécurité sociale existent et les opportunités de travail ou de formation sont plus fournies. Mais en dépit de cela, on assiste à un nombre croissant de contestations ou d’actes de rébellion des jeunes, en France ou ailleurs en Europe.
Que peut-il bien se passer dans la tête d’un(e) NEET ? Désarroi, perte de repères, mésestime de soi, perspectives d’avenir fermées. Et quand les choses se passent ainsi, un jeune est porté à la révolte ou, à tout le moins, à la sédition. Il s’agit donc d’une richesse nationale que l’on a transformé en armée de réserve de la contestation potentielle. En effet, le cheminement est désormais classique et répétitif : une jeune fille se marie en zone rurale, elle devient mère au foyer, sans avenir autre que cela, ou jeune divorcée avec des enfants à charge. Elle bascule donc le plus souvent en zone urbaine où elle rejoint la cohorte de jeunes hommes ruraux qui ont suivi le même trajet, et s’ajoutent aux jeunes des villes…
Que font-ils alors ? Ils dépriment et accroissent les charges familiales… ils versent dans la délinquance ou la prostitution, ou l’extrémisme… ou ils font des vidéos enflammées et se font embastiller. C’est la descente aux enfers que ne peut endiguer un Etat lui-même exsangue et un gouvernement occupé ailleurs et peu préoccupé par le sort de ces jeunes. Et pourtant des solutions existent, comme toujours, via la société civile et le secteur privé.
Le moins « difficile » est de fixer les jeunes, en multipliant les offres de travail en ville et dans le monde rural. La mécanisation est une chose heureuse, mais pas toujours, et il en va de même pour la robotisation qui laisse tant de jeunes non formés ou mal formés à la marge. D’autres solutions sont avancées par les organismes spécialisés, mais ce sont des solutions savantes que le gouvernement ne saurait mettre en œuvre.
Il faut attendre le très attendu rapport de la Commission sur le modèle de développement pour y voir plus clair, la problématique ayant été traitée par ses experts. Dans l’intervalle, il ne faut pas oublier que rien n’est plus dangereux pour un pays qu’une jeunesse mécontente et désabusée. Et nombreuse.
Aziz Boucetta