(Billet 661) – La corruption, cette maladie qui nous est si intime…

(Billet 661) – La corruption, cette maladie qui nous est si intime…

Le classement Transparency 2021 est sans merci pour le Maroc… le royaume recule, recule encore et toujours en matière d’indice de perception de la corruption. Les responsables politiques se cumulent et les stratégies s’accumulent, mais rien n’y fait, le mal est là, le mal est fait et ses effets coûtent cher en réputation ternie et en moralisation ruinée.

En 2018, 2019, 2020 et 2021, le Maroc est de plus en mal classé, respectivement à la 73ème place (sur 180 nations), 80ème, 86ème et 87ème. Notons une remarque aussi importante que douloureuse… en 2000, le Maroc occupait le 37ème rang, et le 52ème en 2002. Que s’est-il donc passé du début du siècle à aujourd’hui, pour que nous tombions aussi bas, et surtout après 10 ans de gouvernement PJD qui avait fait de la lutte contre la corruption son cheval de bataille ?

Retenons cette saillie de l’ancien chef du gouvernement Abdelilah Benkirane, un maestro en la matière : « Ce n’est pas nous qui luttons contre la corruption, c’est elle qui nous combat ». Terrible… Mais revenons aussi à ce constat dressé par Bachir Rachdi, président de l’Instance de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption : « La corruption est un fléau très enraciné et répandu dans notre pays et n’épargne quasiment aucun secteur. Or, il ne s’agit pas d’un phénomène culturel (…) car la corruption (…) n’est pas une valeur et touche seulement les pratiques ».

Et c’est là que le bât blesse, que lesdites pratiques stressent et que la réalité conséquente oppresse. Tous les secteurs sont touchés, dit Ssi Rachdi, et cela rejoint quelque part le constat de Transparency International qui met à l’index les différents types de corruption, administrative et politique, scolaire et juridique et même économique… A son tour, la Banque mondiale met en garde aussi et surtout contre les deux formes globales de la corruption, que sont la petite et la grande. La petite, ce sont les petites gens qui monnayent tout service, toute action, à la recherche d’un plus pour leur pouvoir d’achat (il existe une forte corrélation entre la petite corruption et le revenu moyen d’un pays). Elle recule, relativement.

La grande corruption est, pour sa part, autrement plus grave car elle implique des décideurs, des responsables, des hauts fonctionnaires ou grands élus qui, généralement, n’ont pas de panique de fin de mois, mais qui visent un pouvoir d’achat toujours plus fort, toujours plus haut et toujours plus vite. Et là, nous trouvons les six plaies du Maroc : clientélisme, népotisme, favoritisme, rentes, impunité et privilèges. La grande corruption, c'est le grand problème de ce Maroc qui se veut et se voit grand.

Or, il est important de considérer la classe politique issue des dernières élections générales, meublée de bien des hommes et femmes d’affaires. Et comme chacun sait, ou peut le deviner, quand l’argent s’invite dans la politique, l’éthique s’enfuit… Nous avons ainsi le cas de cette édile importante qui place son cher et tendre à un poste d’adjoint, sachant qu’il est lui-même promoteur immobilier (face à la pression, il a dû quitter la fonction… pour en prendre une autre, certes moins importante mais certainement aussi percutante, payante, sonnante et même trébuchante). Puis une autre, dans une autre ville pas très éloignée, qui agit de même…

La promotion immobilière est un des secteurs les plus atteints par le phénomène de corruption, dans toutes ses formes, mais les promoteurs immobiliers ont investi en masse les élections de septembre, se trouvant aujourd’hui à bien des postes de responsabilité directe. Il n’y a plus qu’à espérer de ces gens un sursaut moral car, n’est-ce pas, l’optimisme doit toujours être de rigueur…

Mais optimisme ou pas, comment ne pas s’inquiéter, par ailleurs, du retrait du code pénal du circuit législatif, ce texte qui comporte un article formidable sanctionnant des pratiques fort minables comme dirait Stromae, sur l’enrichissement illicite ? Et comment ne pas froncer le sourcil sur cet autre retrait de cet autre et aussi important projet de loi sur l’occupation du domaine public et essentiellement le domaine littoral où tant d’intérêts sont en jeu et où les enjeux sont immenses ?

Un numéro vert (0537 71 88 88) avait été mis en place par la présidence du ministère public, en mai 2018. A fin décembre 2020, sur très exactement 51.881 appels reçus, 164 personnes ont été arrêtées en flagrant délit. Ou la justice travaille au ralenti ou ce sont les délations abusives et calomnieuses qui tournent à plein régime, et dans les deux cas, il y a problème.

En juillet 2020, l’ancien président de la Cour des Comptes Driss Jettou était au parlement : « La Cour produit entre 40 et 50 rapports annuellement, (…) très importants et essentiels pour le Maroc et son économie (…). Personne n’y prête attention », avait-il amèrement lancé aux élus qui l’écoutaient d’une oreille distraite. Pourquoi distraite? Parce qu’il ne semble pas que ces rapports soient mieux lus depuis !

Il n’y a pas pléthore de moyens pour endiguer la grande corruption, mais un seul, la peur des responsables, l’effroi face au name and shame. On ne souhaite cela à personne, mais si « personne » se montre indélicat et corrompu, il est important que la justice soit impitoyable, et aveugle, à son égard ! Le royaume et son rayonnement, son économie et ses investissements ne s’en porteraient que mieux…

Aziz Boucetta

 

 

 



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