(Billet 1164) – Pétainyahou et les collaborationnistes

Le bloc occidental a inventé la démocratie et il en a oublié le fonctionnement, puis il a créé les droits de l’Homme, pour les autres. Que se passe-t-il aujourd’hui, pour tristement observer des pays occidentaux, volontiers dispensateurs de conseils et de leçons, assistant passivement à un massacre cochant toutes les cases du génocide (tueries de masse, famine et blocage de toute forme d’aide, déplacement de population…) ?
Il existe en Europe une incontestable collusion entre le pouvoir politique, le grand capital et l’écrasante majorité des médias, qui appartiennent ou sont contrôlés dans leur écrasante majorité par le même capital. Cela est particulièrement visible en France où, en plus d’aider Israël dans son massacre actuel en taisant les vraies informations, en donnant la parole à des officiers de l’armée israélienne, en les accueillant sur son sol, et en déshumanisant les victimes palestiniennes, ces médias se lancent dans une course islamophobe de plus en plus essentialiste. Il est vrai que ces médias bénéficient de l’aide robuste de l’Etat dans cette islamophobie, avec le dernier document sur les Frères musulmans…
Aujourd’hui, à Gaza et en Cisjordanie, une population de deux millions de personnes est affamée, privée des conditions les plus élémentaires d’une vie digne, mourant par grappes et par groupes, au grand amusement des soldats assassins, soigneusement documentés. En Israël, à Gaza, l’humanité s’enfonce chaque jour, un peu plus, de plus en plus vite, dans l’infamie et l’abjection.
Depuis le 7 octobre 2023, ce sont donc plus de 100.000 personnes qui ont été tuées par les bombes, à peu près autant suite aux traumatismes, privations, ensevelissement/asphyxie sous les décombres… Et depuis deux mois, rien, absolument rien n’entre dans l’enclave, Benyamin Netanyahu affirmant clairement que son gouvernement a bel et bien élaboré et mis en œuvre un plan de migration volontaire en forme de nettoyage ethnique, et il ne s’en cache pas, plus. Après avoir détruit les hôpitaux, arrêté et maltraité, malmené, malnutri leurs médecins, après avoir déplacé deux millions de personnes plusieurs fois, après avoir torturé des centaines de jeunes Palestiniens, souvent des enfants, après avoir déclaré Antonio Guterres persona non grata en Israël, après s’être livré à du sniping contre les journalistes, voilà aujourd’hui ce même gouvernement déclarer sa ferme intention de déplacer les populations hors de l’enclave et de prendre leurs terres.
Que faut-il de plus à Donald Trump, Keir Starmer, Friedrich Merz, à Emmanuel Macron, Georgia Meloni, Donald Tusk, Mike Carney et d’autres de moindre importance pour emboîter le pas aux dirigeants de rares pays qui honorent l’Europe comme l’Espagne, l’Irlande ou encore la Suède ? Ces mêmes dirigeants versent des larmes de crocodile à chaque mort ukrainien ; faut-il les croire, eux qui ont perdu toute humanité ? Faut-il que le remords et la repentance européenne pour la Shoah tolèrent encore et toujours un Etat génocidaire comme l’actuel Israël et lui autorisent toutes ses dérives, quelles qu’elles soient ? Jadis, l’Allemagne vaincue s’était donnée à Hitler, l’Italie nostalgique de Rome s’était prosternée face à Mussolini et la France effondrée s’était offerte à Pétain qu’elle voyait comme son sauveur. Les trois peuples ont fortement regretté après et continuent de s’en repentir. Est-ce une raison pour tout accepter de ce peuple réellement meurtri qu’est le peuple juif ? Est-ce une raison pour regarder ailleurs alors que des crimes contre l’humanité sont commis et qu’un génocide déclaré et parfaitement assumé est en cours ?
Les yeux rivés aux sondages, Trump, Macron, Starmer, Meloni et leurs acolytes, leurs comparses, refusent de voir la cruelle et innommable réalité dont ils sont devenus les complices. De plus en plus de voix nobles s’élèvent en France, au Royaume-Uni, dans le reste de l’Europe, en Amérique du Nord et en Israël même pour dénoncer ce qui est en cours de commission et refusent que cela se produise en leur nom ; de plus en plus de personnes et de personnalités envisagent de traîner leurs dirigeants en justice pour complicité de génocide. Mais dans ces pays supposément libres avec une justice présentée comme indépendante, quels juges auront-ils le courage, voire même la possibilité, de dire le droit ? Les mêmes juges qui n’ont jamais ni poursuivi ni même inquiété des gens comme Tony Blair ou George Bush Jr, lesquels ont pourtant reconnu leurs mensonges au moment d’envahir l’Irak et de le démolir ; qui ne sont absolument pas dérangés par les milliers de soldats britanniques et américains morts pour une cause qui n’en était pas une…
Aujourd’hui, Israël déclare avoir la ferme volonté de « terminer le travail ». Cela signifie vider l’enclave de Gaza de ses habitants en les incitant par la force à aller ailleurs, et cela signifie aussi que Gaza n’est que la première étape, et que l’ensemble de la Cisjordanie suivra. Les Etats-Unis de Biden et de Trump encouragent par le fait, le fusil et le verbe et les grands Etats européens encouragent par le soutien politique et médiatique, en plus des armes.
Un jour, l’Histoire jugera… et avant cela, un tribunal international, qui agit dans des temporalités plus courtes, jugera aussi. Et, comme dans les procès pour l’ex-Yougoslavie ou le Rwanda, les textes des jugements indiqueront plusieurs chefs d’accusation, dont les deux premiers sont « le génocide » et « la complicité de génocide ». Les dirigeants actuels, concernés et consternés par les faits de leurs prédécesseurs, rendront un jour compte devant leurs descendants et successeurs qui seront, comme eux, consternés par l’action de leurs aînés. L’Histoire, en effet, dispose d’un panthéon et d’une poubelle ; à chacun de ces dirigeants de savoir où il voudra finir.
En un peu plus d’un siècle, cet Occident qui s’est érigé en forteresse morale et en bastion éthique, a laissé faire tant de génocides, en Arménie, puis dans l’Allemagne nazie, puis au Cambodge de Pol Pot, puis en Bosnie-Herzégovine, puis au Rwanda. A chaque génocide, les dirigeants regardaient ailleurs, calculaient leurs intérêts immédiats, et quelques années après chaque génocide (la durée pouvant varier de quelques mois, comme en 1945, à plusieurs dizaines d’années, comme pour le Rwanda ou l’ex-Yougoslavie), des procès étaient ouverts.
Nous ne faisons que répéter l’Histoire et les maigres et très prudentes critiques formulées contre Israël et son gouvernement fasciste et raciste montrent la pusillanimité coupable et la complicité de fait de ces dirigeants euraméricains qui, plutôt que mettre un terme au génocide assumé, préfèrent museler leurs propres opinions publiques en imposant dans leurs pays une doxa écrite par des esprits malades à Tel Aviv.
Une forme de pétainisme occidental, un pétainisme collaborationniste avec un génocidaire d’ores et déjà condamné par la terre entière. L’Histoire jugera et sa poubelle sera amenée à singulièrement s’élargir.
Aziz Boucetta