Loudiyi : la souveraineté numérique passe par une autonomie cloud locale

Dans le cadre des premières Assises nationales sur l’intelligence artificielle, organisées à l’Université Mohammed VI Polytechnique de Rabat, la troisième table ronde thématique a constitué un moment fort de réflexion stratégique autour des fondements d’une souveraineté numérique durable au Maroc, à travers le prisme du cloud computing et des infrastructures numériques.
Cette session a réuni un panel de haut niveau, composé d’acteurs institutionnels et privés, représentant notamment la Bourse de Casablanca, des entreprises mondiales et nationales dans les secteurs des télécoms et des services numériques, ainsi que des startups spécialisées en intelligence artificielle.
L’intervention qui a particulièrement retenu l’attention a été celle de M. Reda Loudiyi, directeur général d’Atlas Cloud Services, filiale de l’UM6P. Il a souligné que le Maroc a un besoin urgent de se doter d’une infrastructure cloud locale, partiellement autonome, capable de traiter les données sensibles sur le territoire national, conformément aux exigences légales, et de ce fait, de renforcer la souveraineté numérique et l’indépendance technologique du pays.
Selon Loudiyi, ce choix n’est plus seulement d’ordre technique, mais relève désormais d’une décision stratégique majeure, touchant à la sécurité numérique nationale. Il a précisé que les systèmes numériques actuellement en place au Maroc reposent encore sur des architectures anciennes, inadaptées aux exigences modernes de l’IA, ce qui nécessite un investissement conséquent dans leur modernisation et dans la création d’emplois qualifiés, basés sur le développement de compétences locales.
Pour Loudiyi, la quête de l’indépendance technologique ne passe pas uniquement par l’importation de solutions étrangères, mais par l’autonomisation des talents marocains pour concevoir des solutions intelligentes adaptées aux marchés nationaux et africains. Cela suppose un soutien accru à la recherche scientifique et un renforcement des partenariats public-privé, dans le but de bâtir un écosystème numérique intégré, fondé sur la confiance mutuelle et l’investissement dans le capital humain.
Cette vision a trouvé un écho dans les propos de M. Mohamed Saad, directeur général adjoint de la Bourse de Casablanca, qui a plaidé pour l’adoption d’une politique nationale claire fondée sur l’approche « Cloud First » dans tous les projets numériques. Une orientation stratégique susceptible d’attirer des investissements et de positionner le Maroc comme acteur clé dans le développement de logiciels open source.
Pour sa part, Mme Nihad Machkouar, directrice technique B2B chez Orange Maroc, a mis en exergue l’importance de l’interconnexion entre intelligence artificielle, cloud et réseaux de télécommunication. Elle a insisté sur le renforcement de la cybersécurité et sur la nécessité de mettre en place des data centers nationaux performants, conformes aux normes marocaines en matière de gouvernance des données.
M. Pierre Chaume, directeur général de NOKIA Maroc, a quant à lui souligné les défis liés à la faiblesse des points d’échange Internet (IXP) au Maroc, et a appelé à renforcer les connexions sous-marines et terrestres pour fluidifier et sécuriser le transfert de données à moindre coût.
De son côté, M. Yahya Safraoui, directeur de la transformation numérique et des données, a recommandé l’adoption d’un modèle hybride combinant les services cloud locaux et ceux des hyperscalers, tout en appelant à accompagner les PME pour passer du stade de la preuve de concept à la mise en œuvre effective.
La session s’est conclue par une série de recommandations clés, notamment :
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Accélérer l’adoption d’une stratégie nationale globale pour le cloud computing ;
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Investir dans des centres de données équipés de GPU avancés ;
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Renforcer la cybersécurité ;
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Soutenir la formation de compétences nationales ;
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Développer des solutions locales capables de traiter les données sensibles,
afin de garantir une indépendance technologique progressive et d’ancrer une transition numérique souveraine et inclusive.
Abdelkader El Fatouaki / Salé