(Billet 1230) - ''Véritable'', le mot de l'année 2026
Le Maroc est heureux et les Marocains encore plus… après 50 ans d’engagements, d’évitements, de revirements et d’atermoiements, le Conseil de sécurité de l’ONU a enfin délivré sa parole, et sa parole est que, globalement, le Sahara est marocain ; il faut juste y mettre les formes. Depuis 2007, Rabat appuie sa diplomatie sur son plan d’autonomie, qui a fini par être accepté comme base de discussion, avec force adverbes, adjectifs et verbes au conditionnel. Le Maroc s’engage à « actualiser et détailler » sa proposition d’autonomie, que le Conseil veut « véritable ». Concentrons-nous sur ce mot.
L’Envoyé spécial, personnel, comme on veut… le marquis Staffan de Mistura a fait une déclaration médiatique où le mot « véritable », ou « authentique », est martelé par le diplomate pour qualifier, cadrer et sérieusement verrouiller l’autonomie proposée par le Maroc. A ce propos, le roi (cité par M. da Mistura) a engagé le pays à soumettre prochainement une proposition « actualisée et détaillée ».
On voit venir les choses ; l’ONU toujours soucieuse de ménager la chèvre et le chou, insistera sur le « véritable ». Fort bien, mais il faudra aussi, puisque la solution marocaine est la base de discussion, insister sur l’expression « bonne foi » pour le Polisario et son donneur d’ordre algérien. Ces deux-là vont à n’en point douter toujours marteler leur lubie référendaire au sens premier, c’est-à-dire celui de la résolution 1514 de 1960, et non dans son acceptation affinée de la résolution 2625 de 1970. Si on titille le Maroc sur « véritable » au nom de la 1514 (qu’il respecte), il faudra que le marquis de Mistura accroche aussi Alger et sa créature sur leur « bonne foi », en vertu de la 2625 (qu’ils ignorent) ! La 2797 est là pour le rappeler au besoin…
On peut faire confiance à notre très vigilante diplomatie pour s’assurer que le Conseil et ses membres ne feront donc pas dans le double standard, soit pressuriser le Maroc et sécuriser l’Algérie. Quant au Maroc, il devra soumettre une véritable proposition pour une véritable autonomie. Mais entendons-nous bien : en l’absence d’un modèle universel d’autonomie, universel et indiscutable, soigneusement rangé et classé dans les rayons de l’ONU, cette autonomie devra nécessairement épouser les traditions marocaines et prendre en considération les évolutions institutionnelles du royaume depuis 2007, essentiellement la constitution de 2011 et la régionalisation de 2015. Ce modèle fonctionne très bien et les faits le démontrent : populations concentrées dans les centres urbains organisés, équipés, structurés et dirigés par des élus de la région (comme dans les autres parties du royaume).
Pour autant, il devient nécessaire d’améliorer un peu les choses car ce que le Maroc proposera sera placé sous la loupe de ce qu’on appelle encore la communauté internationale. Le royaume a mis la barre très haut dans bien des domaines, ce qui le range d’emblée dans la catégorie des pays à « surveiller ». Ainsi, pour véritablement convaincre l’ONU de cette autonomie « véritable », nos institutions doivent devenir pleinement fonctionnelles, en s’appuyant sur une classe politique qui gagnerait à se renouveler, à se rajeunir, à savoir s’indigner au besoin, à démissionner si nécessaire. Il est très important que partent ceux qui, au sein de la scène politique, doivent partir, pour céder leurs places à ceux qui doivent venir et s’impliquer et qui rechignent à le faire pour cause d’altération globale de la règle du jeu. Les partis politiques, en principe matrices du personnel politique, doivent évoluer, mieux se structurer, plus écrémer. Aujourd’hui, la quasi-totalité des partis n’ont cure d’abriter des personnages sulfureux ni de couvrir des agissements crapuleux, et la preuve en est la cohorte de députés en prison, en jugement ou en sursis de prison et de jugement.
En outre, le pays a aujourd’hui grand besoin de médias audiovisuels « véritables », dont la diversité reflète véritablement les différents courants de la société et dont les programmes sont adaptés à cette pluralité sociétale et politique. Et, enfin, la population doit devenir à son tour « véritablement » citoyenne, en votant régulièrement, en s’acquittant volontairement de ses impôts, en s’intéressant résolument à la bonne marche de ses institutions. On ne le dit pas assez, mais nos problèmes politiques viennent, aussi, d’une désaffection citoyenne.
Maintenant qu’on entre dans le vif du sujet et qu’on touche au but, la seule façon de convaincre le Conseil de sécurité de notre bonne foi, de notre sincérité et de notre sérieux, et donc de le conduire à imposer l’autonomie aux Algériens et à leurs proxies, est d’être déterminés, résolus et surtout convaincants dans la stricte application de nos lois et règlements. Nous devons avoir des institutions aussi véritables que le sont nos traditions, que l’est notre grande histoire ; il est temps et le temps nous est compté.
En effet, dans moins d’un an, le Maroc entrera en phase électorale, de Tanger à Lagouira, et cette séquence institutionnelle, en général relevant de la politique interne, sera cette fois suivie et même soigneusement scrutée par la communauté internationale. Il s’agira de convaincre ici pour « vaincre » à New York. La tâche n’est pas herculéenne, même s’il s’agit de nettoyer les écuries d’Augias.
Nous sommes aujourd’hui sûrs de nous, nos institutions sont solidement et profondément ancrées dans notre inconscient collectif. Qu’attend-on, que craint-on pour laisser faire ceux qui doivent, savent et veulent faire au sein des corps élus ? Leur effectif est important, mais ils restent prudemment en retrait d’une politique dans laquelle ils ne se reconnaissent pas. Le Maroc en sortira « véritablement » grandi, notre économie aussi ; le Maroc en sera « véritablement » renforcé, nos corps intermédiaires aussi ; le Maroc uni en deviendra « véritablement » plus prospère, les Marocains « véritablement » plus riches et nos institutions encore plus « véritablement » indiscutables et incontestables.
Et alors, le Sahara sera enfin entièrement, totalement, juridiquement, « onusiellement »… en un mot, « véritablement » marocain.
Aziz Boucetta