(Billet 268) – Pour la Commission Benmoussa, c'est l'universalisme ou rien

Après les jeunes, les banquiers, les politiques, les ruraux, la HACA et les syndicats, les gens des médias et les agents de l’entreprise, en plus d’un grand nombre de sigles et autres acronymes, M. Benmoussa et ses pairs de la Commission spéciale ont reçu et (soigneusement) écouté les pères et mères de la constitution (photo)… Que signifie cette audition ? On sait que la jeunesse va mal, que les banquiers sont une partie du problème, que les politiques sont un problème et que la question rurale pose problème… Une révision de la constitution déjà révisée semble alors incontournable.
Aussi, recevoir des constitutionnalistes est une reconnaissance de l’imperfection possible et même probable de la constitution. C’est un début et un prélude… Pourquoi les constitutionnalistes ? Parce que « tout est politique », comme on a coutume de dire… Les politiques publiques, la politique de l’enseignement, la politique de la santé, la politique sociale ou encore la politique économique… tout est politique et tout revient, in fine, à la politique. Et au Maroc, nous n’avons pas de problème politique mais un problème avec les politiques, la nuance est importante.
La constitution élaborée, un peu à la va-vite en 2011, avait permis de dépasser le cap (que dis-je, la péninsule !...) du 20 février et des printemps arabes. En ces temps pas si lointains, le problème était politique, et la solution est venue d’une réforme politique. Aujourd’hui, le problème est social et économique, et la solution viendra, encore, des politiques. Ou plutôt d’une action sur les politiques.
Dans sa « commande » de l’été dernier pour un nouveau modèle de développement, le chef de l’Etat avait requis un état des lieux impitoyable et une audace inégalable. Il est vrai que, depuis 2011, les politiques nous ont beaucoup diverti, mais de résultats tangibles, à leur niveau, point.
On peut dès lors considérer que le futur rapport de la CSMD sera une sorte de « décret d’application » de la constitution, au-delà des lois organiques, techniques, et des opérations électorales, ponctuelles. Libérée de toute contrainte idéologique, la Commission Benmoussa (qui aurait quand même gagné à inclure un ou deux hommes ou femmes de religion), devra inclure ceux des citoyens qui seraient, qui sont, exclus dans les faits du développement du pays.
Les jeunes devraient pouvoir mieux s’exprimer, voire même se révolter, les femmes devraient enfin avoir droit à une égalité parfaite, et non à une liberté octroyée par des mâles dont les maux émanent… et le Marocain doit, enfin, devenir un citoyen à part entière, un citoyen qui croit pour pouvoir agir, un citoyen qui jouit de ses droits pour comprendre ses devoirs, un citoyen qui croit en sa justice, laquelle croit en son indépendance… un citoyen qui n’a plus envie de s’en aller !
Comme le disent les constitutionnalistes haut et fort et certains membres de la CSMD plus discrètement, le Maroc gagnerait avec l’universalisme ce qu’il perd aujourd’hui avec le sectarisme et le dogmatisme. « Le Maroc doit s’inscrire dans l’universalisme, tout en préservant ses cultures et son identité religieuse », affirme le Pr Nadia Bernoussi. Elle a raison, car aucun pays n’a réussi à aller de l’avant, les yeux et le cœur rivés sur le passé. On peut disposer des meilleurs plans et programmes du monde, et c’est le cas du Maroc, mais sans universalisme tourné vers l’avenir, tout effort de développement resterait vain.
Et il faudra, en effet, beaucoup d’audace à la Commission Benmoussa pour proposer cela. Ensuite, l’audace devra aller dans l’autre camp…
Aziz Boucetta