(Billet 493) – L’Istiqlal tire à boulets roses sur le RNI

Le parti de l’Istiqlal représente peut-être la frange conservatrice non religieuse de la société, mais il s’y connaît bien en affaires, et il n’est pas né de la dernière inondation. Lors de sa dernière réunion, le Comité exécutif (CE) du parti attaque frontalement le RNI qu’il accuse de velléités suprématistes et de volonté hégémonique. Cette fois, c’est bien parti, les élections approchent et les partis s’étripent…
Nizar Baraka, généralement calme, serein et très courtois, est aujourd’hui fort irrité. Et il en donne pour preuve le point 3 du dernier communiqué du CE et une dizaine de tweets qui affichent sa préoccupation. Quel est l’objet de son ire ? Le RNI, qu’il ne cite pas nommément, mais on le comprend aisément à ses tweets et aux accusations lancées.
Voici quelques jours, la CGEM a tenu son conseil d’administration, lors duquel décision a été prise d’interdire à ses candidats à la présidence et la vice-présidence d’avoir une couleur politique. Cela est fait au nom de « la neutralité politique ». M. Baraka s’insurge justement et logiquement contre cette manœuvre qui « priverait des candidats de leur droit constitutionnel à l’affiliation politique ». Et de fait, pourquoi interdire à une personne membre d’un parti de se porter candidat, à partir du moment où la CGEM dispose de son système de pouvoir et de contre-pouvoir, de ses institutions et de sa tellement influente Fondation ?…
Cela étant, le chef de l’Istiqlal marque un point en épinglant allusivement, mais en épinglant quand même, des pratiques ploutocratiques en pratique au sein de la CGEM, comme par exemple la pondération des voix par le chiffre d’affaire, rappelant vaguement le suffrage censitaire des siècles passés en Europe. En gros, à la Confédération, plus une entreprise est riche et plus elle cotise… et plus elle cotise, et plus elle a de voix. Cela aurait été une affaire interne à la CGEM si celle-ci n’avait été adoubée par le législateur comme seul et unique représentant des employeurs.
Et c’est ce second point qui suscite aussi l’irritation de Nizar Baraka, lui-même ancien ministre des Affaires générales, puis de l’Economie, avant d’être patron du CESE. Les arcanes de la CGEM ne lui sont donc pas étrangères, et il sait qui y manœuvre qui, qui dirige quoi, qui représente qui et qui noyaute quoi, dans quel dessein (mal) dissimulé… Le patron de l’Istiqlal voit donc dans la récente décision de la CGEM, présentée comme garantie de neutralité, une sorte de pratique de la politique par procuration, en faveur d’ « un parti particulier », indiqué par l’expression « fameux parti » dans la même phrase. Bien évidemment, il ne peut viser que le RNI, très bien implanté au sein de la CGEM (et de sa Fondation), à travers les nombreuses sociétés de ses patrons, qu’on dit proches des actuels chefs de la Confédération… mais on dit tellement de choses...
Et pour se faire bien comprendre, sans nommément citer ses adversaires, le communiqué évoque cette célèbre expression de « l’alliance de l’argent et de la politique », « pour servir les intérêts bien compris d’entreprises connues en vue de renforcer leur domination et leur monopole sur le marché », avec un petit clin d’œil à la concurrence pure et loyale.
On l’aura donc compris : l’attaque implacable cible le RNI d’Aziz Akhannouch, président du RNI et d’entreprises très bien représentées à la CGEM, et laisse entendre que les structures de la CGEM servent les affinités entre membres du patronat marocain, auquel M. Baraka veut dénier le monopole de la représentation des employeurs.
Et donc, finalement, face à un PJD qui tangue et prend de la gîte et à un PAM qui n’est plus que l’ombre de lui-même (tout en se réservant le droit de continuer de tirer plus vite que cette même ombre), l’Istiqlal de Nizar Baraka se présente en sérieux challenger pour briguer la pole position aux futures élections. La politique, il connaît, ses rouages et combines, il connaît aussi et le faux gentil qu’est Nizar Baraka se révèle à l’approche du scrutin être un vrai méchant.
Mais tant que c’est pour la bonne cause…
Aziz Boucetta